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2 janvier, 2022

Manuscrit Chamillart de La Suze

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Manuscrit Chamillart de La Suze

« Sommaire

de l’histoire universelle

auquel est déduitte l’histoire particulière de tous les

peuples du monde selon qu’on en peut avoir

cognoissance par les bons livres ».

      Le manuscrit anonyme intitulé Sommaire de l’histoire universelle… appartint à Louis-François Charles Chamillart, premier marquis de La Suze (1751 – 1833). Il est l’arrière petit-fils de Michel Chamillart ministre des finances de Louis XIV. Son blason gravé sur cuivre, Ecartelé, I et IV, à une levrette d’argent, colletée de gueules, le chef d’or, chargé de trois étoiles d’argent (Chamillart) ; II et III, fascé-nébulé d’argent et de gueules (Rochechouart) figure sur le premier contreplat de l’ouvrage. Par sa mère il se trouve être aussi le petit-fils de Germain-Louis Chauvelin (1685 – 1762), garde des sceaux de Louis XV. 

chamblason

Le manuscrit petit in-folio sur papier, relié en parchemin, possède 452 pages (plus deux pages de tables) ; il peut être daté du milieu du XVIIe siècle. Sa petite écriture régulière et apparemment soignée, mais en pattes de mouche, est difficile à lire. Il alterne les parties sans ratures ni ajouts en marge avec d’autres où de nombreux passages sont biffés, corrigés en marge ou entre les lignes, ce qui rend la lecture encore plus difficile. 

Ce manuscrit était-il destiné à être imprimé ou était-il la compilation personnelle d’un amateur érudit ou d’un professeur susceptible d’en utiliser la matière, très dense, pour des cours à l’usage d’étudiants ? Quoi qu’il en soit, l’ouvrage nous semble avoir demandé un énorme travail de recherche et de composition. Il est regrettable que nous ne puissions en connaître l’auteur. 

Nous présentons ici De l’ancienne Gaule, p. 421 – 430. Suivent ensuite Des Gaulois en Illirie et Trace, p. 249 – 250 et De la Gaule soubs les Romains p. 431 – 437. Les mots entre crochets signifient une lecture vraisemblable. Les points de suspension entre crochets les mots encore  à déchiffrer. Les lettres ou les mots en italique sont des interventions de notre part.

De l’ancienne Gaule (p. 421)

Quoy que les Gaulois ayent remply toute la terre de leur nom et qu’il[s] s’i soyent fait admirer à toutes les nations du monde  par leur courage et adresse si n’ont-ils peu rencontrer dans les siècles passés un historien qui ait discouru soigneusement de leur origine de leur gouvernement, estat et actions.

 Que si quelqu’ un de ces fameux  écrivains d’entre lesquels les Romains ont parlé d’eux, ce n’a été que par rencontre, c’est que leurs actes leur ont donné occasion de faire que les histoires anciennes sont bien pleines de leur nom mais nulle ne contient leur histoire encor que négligence est cause que nous n’avons la plus grande partie des faicts avant que les Romains les ayent vaincus et qu’ils ne prirent conjectures et équivoques des anciens auteurs une histoire assés complète [de leur nation qu’il n’i en a point de plus parfaicte entre toutes les anciennes[1]]en lesquelles la généalogie de leurs princes, leurs actes généraux et leurs plus particuliers faits se trouvent aussi clairement marqués comme ont été ceux des Grecs et Romains et leur donnent une antiquité  si que celle qu’il fut encor que on sache que les lectres ne manque[nt] parmy les Celtes.

Or de tous ces discours nous ne prendrons que ce qu’il y a plus d’aparance ou pour mieux dire nous ne mettrons ici que les mensonges qui ont esté receux avec plus de consentement et de croyance et disons que le nom de Celte qui est le plus ancien nom des Gaulois est un nom si général qu’il s’estent sur tous les peuples qui habittent depuis la mer Major[2] jusques aux Alpes et en la mer Ibérique.

Les Grecs les ont aussi apellés Galathes mais leur plus commun nom est Gaulois dont l’étimologie ne se doit chercher dans l’hébrieu, grec ou latin mais dans la langue gauloise qui nous est maintenant incognue. Quant à leur gouvernement ancien sçavoir s’il estoit monarchique ou de plusieurs ou s’il estoit composé comme l’estat de l’empire où maintenant[3] plusieurs princes souverains sont parties d’un mesme corps qui est aussi souverain se tant est qu’on puisse mettre différence entre deux souverainetés nous n’en pouvons rien dire d’assuré y ayant maintenant quelque aparance qu’ils eurent plusieurs sortes de gouvernement dans les Gaules puis que nous oyons souvent parler de leurs assemblées générales de leurs princes, mesmes souvent de leurs

/422/ démocraties comme aussi des nations entières qui dominoyent sur les autres, des rois électifs, des héréditaires, des autres qui changeoyent avec la volonté des peuples.

Mais toutes ces choses ne touchant que soit par le récit de leurs […], les laisserais pour parler seulement de leurs actions les plus vraisemblables. Par le consentement universel de tous les [auteurs] Samothès ou Dis est le père de tous les Gaulois. On dit que ce Samothès des plus proches descendans de Noé suivit Janus son père ou son cousin en Italie d’où il vint aux Gaules où il establit un royaume du temps de Nembrot[4] et aprint une doctrine particulière de laquelle depuis les druides s’en réservèrent


[1] Ligne raturée dans le texte. [2] La mer Noire. [3] …où maintenant plusieurs princes … [4] Nembrot ou Nimrod.

la congnoissance et la gardèrent entr’eux par le moyen de la cabale. Samothès ou plus tost Magus son fils édifia aussi plusieurs viles et fut la source de tous les rois que le faux Manéthon[1] et Bérose[2], Annius de Viterbe[3] et plusieurs tels resveurs ont conservé la généalogie de père en fils. Après luy Sarron , Drius et son fils proche, ses descendans fondèrent l’ordre des druides ou philosophes gaulois. Drius fut père de Bardus autheur de la poésie, de la musique, d’une plus experte cognoissance de la religion et de l’histoire car il en dressa une […] afin qu’elle peut estre plus facilement aprise par le peuple et conforme à la postérité. Avant lequel temps on trouve quelques viles fondées en Gaule par d’autres princes comme Trebeta, fils de Ninus[4], qui étant chassé de Ninive par Sémiramis vint bâtir Trèves aux Gaules long temps depuis laquelle car nous ne nous arresterons pas au temps de la généalogie de ces premiers princes.

Narbo fils de Galathes[5] bastit Narbonne. Mais six années après celuy Galathes regnoit sur les Celtes qui vainquit les Sarmates qui vouloyent entrer en son païs, envoya des peuplades par toutes les parties et acquit tellement l’amour de ses subjets qu’on croit que pour l’amour de luy les Gaulois quittèrent leur nom ancien de Celtes. Ce ne fut pas loing de son règne que l’Hercule [grege] ou plustost le Gaulois combastit en premier Aegion et Belgion[6] enfans de Neptune et célèbres voleurs. Je dis l’Hercule Gaulois  parce que toutes les nations du monde avoient choisi d’avoir des Hercules et pour cela ont donné ce nom à tous leurs hommes forts et vaillans n’y ayant pas aparance qu’un seul homme des anciens d’une vie médiocre eut peu avoir tout le monde et achever tant de belles entreprinses et tant plustot active que les Grecs ont ramassé les gestes des grands hommes qui avoient vescu au monde pour l’attribuer à leur Hercule[7].

On dit que les Afriquains commencèrent ce commerce et qu’un d’eux y ayant

/423/ mené de grandes colonies édifia Vienne aux Allobroges pour estre la métropole de toutes les Gaules et y [dressa] un sénat pour juger de tous les différents qui y pourroyent survenir. La venue de cest Afriquain fut trois cens ans avant celle des Phocenses[8] le[s]quels chassés de l’Asie par les cruautés des Perses l’an de Tarquin l’ancien[9] et cherchant quelque lieu pour pouvoir habiter en asseurance arrivèrent en ceste plage où depuis ils bastirent la vile de Marseille où ils attachèrent leurs batteaux, descendirent à terre et invités de la beauté du lieu et de la faveur que Senanus[10]  roy de la Gaule Narbonnaise leur portait ils y fondent cest[e] vile qu’ils façonnèrent à la grecque en loix langues et coustumes et luy donnèrent de si bon fondemens qu’elle a depuis esté une des premières viles des Gaules tant en grandeur qu’en police et mesmes en  maniement des armes.

Ainsi ceste vile faisant de grands acroissemens et fourmillant en richesses et en peuple excita la jalousie de ses voisins qui luy coururent sus conduits par le fils de Senanus apellé Comanus[11] qui ne


[1] Manéthon de Sebennytos, historien égyptien du IIIe s. av. J. C. [2] Bérose, dit Bérose le Chaldéen, né à Babylone entre – 340 et -  323. [3] Annius de Viterbe (1432-1502) publia en 1498 une histoire en cinq livres sous le nom de Bérose. [4] Trebote légendaire fondateur de Trêves, fils de Ninos roi d’Assyrie. [5] « Narbo ou « Harbon fils de Galates duquel sont nommés les Gaulois » d’après Lemaire de Belges, T. I, éd. Stécher, 1882. [6] Albion et Bergion. [7] En marge : « Après cest Hercule que les anciennes fables font venir Francus fils d’Hector aux Gaules auquel finissent ces anciens historiens mais où l’on fait commencer une nouvelle race de rois que nous ignorons maintenant ». [8] D’après Adon, archevêque de Vienne (800 – 875), Venerius, africain banni de son pays, aurait fondé la cille de Vienne.  Les Phocéens, habitants grecs de Phocée en Ionie (Asie Mineure), prise par Cyrus le Grand en – 546. [9] Tarquin l’ancien ( 616  -  578 av. J. C.). [10] Senanus, roi légendaire des Gaulois Liguriens et Salyens. [11] En – 572.

suivoit pas les traces de son père comme il arrive peu souvent que les affections des pères passent dans celle des enfans mais la foule de ces peuples qui avoit couru à la ruine des Marseillois fut desfaitte par un petit nombre de Phocéens se servant de l’ordre qu’ils avoyent porté de la Grèce et par le gain de ceste battaille accrurent la juridiction et leur crédit en sorte qu’ils jettèrent de leurs colonies en beaucoup de lieux, civilisèrent leurs voisins, leur communiquèrent leurs arts et les sciences grecques et leur ostèrent l’humeur barbare et furieuse […] auparavant.

C’est là comme les Grecs parlent. Toutefois il y a aparence que les Gaulois en ce temps là ne furent pas si barbares qu’on les descrit et qu’ils peurent bien apprendre la civilité grecque des Phocenses encor qu’ils eussent aussi parmy eux des loix, des sciences et de courtoisie ce qui est aparant parce qu’alors les Gaulois avoyent des rois celtes, des rois précédens qui estoyent chef[s] de puissantes républiques excellemment bien gouvernées comme il est  puisque sans l’ordre elles n’eussent pas peu si longtemps maintenir la concorde entr’eux et y estendre leurs conquestes par tout le monde.

Car nous trouvons par toutes les bonnes histoires qui écrivirent le temps de l’édification de Marseille [que] Ambigat[1] régnoit en Berry et en la pluspart des Gaules. Après qui vint Bituriges son fils qui édifia Bourges lequel voyant que les Gaules estoyent trop peuplées fit deux troupes des Gaulois pour aler conquérir chacun une nouvelle habitation leur marquant le païs où il voulut qu’ils alassent faire leur demeure. Belovese[2] nepveu d’Ambigat fut conducteur de celle d’Italie à qui les Alpes d’abord peurent faire croire qu’on leur avoit donné le pire, mais voyant à la descente d’icelle[s], la beauté du terroir, la fertilité d’iceluy, le vin qu’elle produit et les autres avantages dont la nature avoit gratifié en ce temps l’Italie par-dessus les Gaules, jugea et bien à propos qu’il avoit eu la meilleure part. Ce qui leur fit 

/424/  conquérir avec valeur et s’y establir avec soin en y formant des estats qui depuis ont fait trembler l’estat romain. Ceste conqueste contenoit depuis les Alpes jusques au Pô et comprenoit mesmes la Ligurie et un peu de la Toscane tout cela sous le nom d’Insubrie ou Gaule cisalpine qui estoit un païs que les Gaulois remplirent de belles viles comme Milan, Parme et Crémone et plusieurs autres qui sont encore en grand lustre en Lombardie. Segovese[3] son frère qui avoit eu le septentrion en partage ne rencontra pas de passages si rudes que Belovese avoit fait mais aussi il ne trouva pas un païs si doux ni un climat si tempéré. Il falut qu’il combatte des hommes plus farouches et des courages plus à cors mais quelle difficulté qu’il y trouvât il ne laissa de fonder des royaumes considérables desquels l’ignorance des bonnes lettres ostère la mémoire. Seulement on conjecture que les Boyens[4] habittans de Bohème sont des restes de ceste armée et que les François qui depuis ont ocupé la Gaule en estoyent aussi descendus d’où vient que quelques faux historiens continuèrent les rois anciens gaulois, qu’ils ont imaginé depuis Francus[5] par ceux des Français qu’ils disent avoir régné en Alemagne. Mais pour revenir à Belovese  pour lequel on a plus de cognoissance que de l’autre nous dirons qu’il chassa Roctus roy de Toscane et le contraignit d’aller habiter aux Alpes [Lepuilliennes] et plusieurs autres Italiens s’enfuirent jusques en la Pouille. Après quoi il bastit des viles au-delà du Pô comme il avoit fait au cœur du païs puis arresta ses conquestes et les afermit au mieux qu’il peut. Le

[1] Ambigatos, roi des Bituriges de Bourges né vers – 600. [2] Bellovesos. Son historicité n’est pas avérée. [3] Segovesos. Son historicité n’est pas avérée. [4] Boïens. [5] Roi légendaire, fils puiné et mythique d’Hector.

passage de ce Belovese fut suivy de celuy d’Elitovius qui [fut] le second gaulois, traversa les Alpes avec  une armée qui ocupa Brixia et Véronne païs des Libuens[1].

Mais au mesme temps que Brennus[2] alait en Italie une autre grande troupe gauloise s’ala loger en Illirie[3] ou elle bastit de grandes viles et fit de puissantes colonies desquelles nous avons parlé ailleurs. Or les Gaulois y ont fait auparavant plusieurs colonies en d’autres contrées desquelles on ne peut pas parler avec tant de clarté que des précédentes comme celles d’Espagne qui a pour tesmognage le nom de Celtibere et de Portugal, celle de l’Albion qui y amène la religion des druides pour une marque assurée que les Gaulois sont sortis de Gaule et plusieurs autres trop longues à dire.

Mais ces Gaulois que Brennus avoit amenés furent incontinent employés par un prince toscan nommé Aruns[4] ausquels ceux de Clusium avoyent refusé obéissance tellement que Clusium fut assiégés par eux[5]. Ce que voyant les Romains qui jusques alors avoyent esté invincibles et qui estoyent les arbitres de l’Italie prièrent les Gaulois par leurs ambassadeurs de lever ce siège et n’occuper rien sur les aliés du peuple romain mais Brennus ayant veu un de ses ambassadeurs combattre pour les ennemis fit ce que les Romains demandoyent,

/425/ quitta le siège de Clusium mais ce fut pour aller à Rome vanger l’injure des ambassadeurs Romains. Il la print facilement après avoir battu l’armée romaine en chemin et [entrés, respandant un feu […]  enclos du Capitole, tout[6] la république laquelle il l’avoit réduite à racheter leur liberté avec l’or si le dictateur Furius Camillus[7] ne l’eut délivrée par le fer et n’eut vaincu les Gaulois qui croyent d’avoir tout vaincu.

Cependant dans la Gaule les Marseillais faillirent à se perdre pour avoir trop tesmogné d’affection aux affaires des Romains en leur ayant envoyé de l’argent pendant le siège. Ce bon office esmeut tellement leurs voisins qu’ils l’assiégèrent sous la conduite de [Carpandes]  longuement et inutilement. Depuis les Gaulois ne laissèrent pas d’envoyer de nouvelles colonies par tout le monde encor que le voyage de Brennus eut esté malheureux, la plus grande desquelles furent les trois troupes commandées par Cérétrius[8], Brennus et Achicorius qui se jettèrent en Trace , Illirie et Macédoine suivant la piste d’une autre grande armée commandée par Carabandes qui auparavant avait pillé à son aise les susdites provinces. Ceux cy acquirent une telle authorité au païs où ils se logèrent que tout ployait sous leurs armes et dépendoient de leur arbitrage ainsi que nous avons dit ailleurs. Un Belgius[9] suivit ces trois capitaines et acheva de dompter l’Illirie mais fut chassé de Macédoine. Et depuis se joignant avec plusieurs autres ala jusques au fond de la Grèce et de la Trace où il establit un assés grand royaume qui y a duré quelques races de quoy aussi nous avons desjà parlé. Mais pour achever le discours de ces diverses peuplades nous dirons que Lucterius[10] fit passer la mer aux Gaulois et qu’il forma dans la petite Asie le royaume de Galatie ou Gallogrèce par la crainte et consentement des princes voisins. Après lequel on parle encor d’une autre armée qui alant en Illirie et Trace soubs la conduite de Athé et


[1] […] Et les Boyens et ceux de […] y envoyèrent une nouvelle armée qui […] Et finalement ceux de […] Brennus remplit…l’Italie […] les Romains qui n’avoyent pas encore [douté] ce qu’ils valoyent]. (Passage en partie biffé, surchargé, confus). [2] Un des chefs des Senons (IVe s. av. J. C.). [3] Illyrie. [4] Arruns roi de Clusium (aujourd’hui Chuisi) en Etrurie. [5] En – 391. [6] « tout », du verbre toudre (tolir, moyen français), enlever, saisir, d’où : supprimer, faire disparaître ? [7] Marcus Furius Camillus, v. 446 – v. 365 av. J. C. [8] Cérétrius, chef gaulois… l’an – 281 fut chargé par Brennus d’entrer dans la Thrace. [9] Belfius. [10] Lutorios ou Lotarius.

 

Galathe se perdit entièrement par leur discorde après s’estre combatus d’une telle opiniatreté que les restes ne furent pas capables de poursuivre le voyage qu’ils avoyent entrepris. On dit que ce combat   vint en Italie l’an avant […] 226.

Laissant donc tous les Gaulois d’Asie et Illirie desquels nous avons parlé en leurs lieux souverainement, nous viendrons à ceux de l’Insubrie et à ceux qui avoyent brulé Rome le[s]quel[s] aquirent par ce moyen une telle réputation que toute l’Italie estoit comme leur esclave. Rome seule leur faisoit teste mais avec tant d’apréhension de leurs courses que l’on ne tenoit point les cérémonies ordinaires en la levée de leurs gens de guerre lorsqu’il s’agissait d’aller contre les Gaulois. 

/426/ […] [1] Et premièrement 23 ans après Camillus[2] dictateur pour la cinquième fois les chassa d’Italie.   Le dictateur Titus Pennus[3]  6 ans après les défit près la rivière d’Anien[4] où Manlius acquit le nom de Torquatus[5] pour avoir osté une chaîne à un Gaulois en duel, de là ils se joignirent aux Tiburtins quelques années puis avec les Toscans qui prêtèrent leur alliance à celle des Romains et avec eux ils furent [déceus…] par le dictateur Sulpitius[6].  Popilius[7] triompha d’eux quelques années d’après les ayant desfaits au païs latin et l’année d’après le consul Camillus[8] renouvella la victoire de son père en le[s] chassant  d’auprès de [Rome] et ce fut lors que Valerius Corvinus[9] acquit ce dernier nom  pour un corbeau qui s’estoit mis sur son casque combattant un Gaulois. Depuis joint avec les Samnites et Toscans, Decius Mus[10] fut contraint de se vouer à la mort avec quelques cérémonies afin que le démon  avec auquel il avoit donné son âme arrachast  la victoire des mains des Gaulois[11].

Mais un an après Cecilius[12] n’eut pas une pareille fortune car les Gaulois le vainquirent et tuèrent. Et Dolabella[13] son successeur au consulat eut la revanche de ceste victoire et les défit  avec tous leurs aliés. Après laquelle victoire les Romains estant vainqueurs de toute l’Italie et des Cartaginois donna le moyen et l’envie d’aller visiter les Gaulois Liguriens en leur païs et de passer le Pô qu’ils n’avoyent osé regarder qu’en crainte depuis que les Gaulois en avoyent habité les bords. Une autre guerre aussi grande que la précédente obligea aussi peu après les Romains  de faire un nouveau […].

Ce fut la nouvelle qu’ils eurent du grand aprest que faisoyent les Gaulois Transalpins pour venir piller l’Italie et desfendre leurs anciens frères Insubres. Ce furent les Gaulois Boyons qui passèrent les Alpes estant les premiers […] de tous leurs voisins. Les Romains donc pour les combattre hors de leur païs passèrent le Pô et alèrent à leur rencontre. La victoire fut pour eux. Les Gaulois et leur roy, Bretons y


[1]  Passage biffé qui comprend le commencement de la phrase à la fin du f. 425 : [La loy des exemptions estoit abolie, les prestres et les viellards  /426/ [qui estoyent francs de toutes charges ne les avoyent pas de celles des armes lors qu’on parloit du tumulte gaulois […] des quelques guerres que les Romains ont eu avec eux avant qu’ils ayent esté chassé en Insubrie et de la victoire desquelles ils ont fait un fort grand cas. Camillus le fils les desfit depuis après une guerre […] et les chassa de [Tivoli]. Torquatus qui avoit pris ce nom pour avoir osté une chaîne d’or à un Gaulois les battit aussi quelque temps après et c’est le […] qui les ait chassés de la campagne de Rome. Après lui Decius Mus fut contraint de se vouer à la mort avec des cérémonies afin que les démons à qui il avoit donné sa vie arrachassent la victoire des mains des Gaulois].     [2] Marcus Furius Camillus, de nouveau dictateur en -   367. [3] Titus Quinctius Poenus Capitolinus Crispinus, dictateur en – 361. [4] En – 361. [5] Titus Manlius Imperiosus Torquatus (né en – 400 ou vers – 380. [6] Caius Sulpicius Peticus, consul en – 364. [7] Marcus Popillius Laenas, consul en – 359. [8] Lucius Furius Camillus, en – 349. Consul en – 338. [9] Marcus Valerius Corvus (vers 371 – vers 271 av. J. C.). [10] Publius Decius Mus (vers 377 – 340 av. J. C.). [11] En – 340.  [12] Lucius Caecilius Metellus Denter, en – 283. [13] Publius Cornelius Dolabella, consul en – 283.

 

furent vaincus et contraint de retourner chez eux ou de vivre paisiblement avec les autres Insubriens. Mais peu après les Liguriens peuples gaulois commencèrent la guerre aux Romains qui fut peu de choses auprès de celle que les Gaulois Transalpins renouvellerait deux ans après par le passage de Congolitan et Aneroeste[1] la réputation duquel estonna plus les Romains que toutes les autres courses que leurs devanciers eussent faittes car ils armèrent plus de peuples contre eux qu’ils ayent jamais fait contre les Samnites ou contre les Cartaginois. La grandeur de leur armée peut aprandre la grandeur de leur apréhension car tout ce qui pouvoit porter les armes suivit  les consuls mettant ainsy encore un coup leur République et leur vile au hazard de se perdre s’ils eussent perdu la bataille. Les [Destins furent tenus] à leur grand nombre. Les Gaulois qui vouloyent vanger sur les Romains la peine de ceux qu’il[s]  avoient desfaits auparavant se laissèrent

/427/ vaincre après néanmoins un fort grand combat auquel le consul Attilius[2] mourut  et des deux généraux gaulois Congolitan fut tué et Aneroeste se tua soy-mesme.

Ceste desfaite arrivée au milieu de l’Insubrie ruina la puissance des Gaulois en Italie laquelle néanmoins ils disputèrent longtemps avant que tomber mais enfin il falut qu’ils fondissent tout d’un coup ayant été sapés de partout. Car à part ce combat Flaminius[3] emporta diverses victoires sur les Boyens qui habitoyent lors auprès de Boulogne et sur les Insubriens  lesquels Marcellus[4] l’espée des Romains contraignit enfin de se confesser vaincus après avoir emporté sur eux une fort grande victoire en laquelle il tua Virdoman[5] roy des Gessates de sa propre main et finit par ce beau coup ceste guerre qui avoit tant et si longtemps tenu Rome en cervelle[6].

Juste après les Gaulois pour montrer le peu d’amitié qu’ils portoyent aux Romains souffrirent que Hannibal passât dans leur terre pour les aller combattre en Italie. Ce fut alors que cest Hannibal termina comme arbitre le différent qui estoit entre Brancus roy des Allobroges[7] et ses frères touchant le gouvernement du pays. Car alors toutes les Gaules comme nous avons dit consistoyent en diverses principautés particulières qui néantmoins avoyent une assemblée générale et commune telle que pouvait estre celle des amphictionies[8] qui jugeait des affaires et des différens de tous ces princes. Hannibal  passé en Italie eut plusieurs avantages sur les Romains ce qui fit que les Gaulois Boyens vers Boulogne se voulurent remettre en leur première liberté y étans aussi invités par les exemples de plusieurs viles d’Italie. Pour cest [estat] ils tuèrent le préteur Posthumius Albinus[9] qui commanda deux légions laquelle exécution eut peu de suite non plus que celle des Liguriens suivie après de la desfaite d’Hannibal pour laquelle ils avoyent apellé d’autres Gaulois et receu les Afriquains qui croyaient rester en Italie.

Furius[10] les desfit tous au siège de Crémone[11]  et quelques autres. Car […] Valerius[12] et puis Minutius[13]  desfirent aussi et pardonnèrent aux Boyens qui s’estoyent révoltés desquel[s] le nom se perdit peu


[1] Anéroeste. Chef gaulois des Gésates (IIIe s. av. J. C. Avec Concolitan et le chef insubtien Britomar, il fut vaincu par les Romains à la bataille du cap Télamon (Talamone, en Toscane) en – 225. Anéroeste parvint à s’échapper et se suicida peu après. [2] Caius Atilius Regulus, – 225. [3] Caius Flaminius Nepos. [4] Marius Claudius Marcellus, – 222. [5] Viridomaros, tué à la bataille de Clastidium (Castegio), en – 222. [6] « Tenir qqn en cervelle » : lui donner des inquiétudes (Cnrtl). [7] Branéos, roi des Allobroges en – 218. [8] « Amphictyonie » désigne en Grèce antique une ligue à vocation sacrée. [9] Lucius Posthumius Albinus, -  216. [10] Lucius Furius Purpureo, préteur en – 200. [11] Bataille de Crémone gagnée par les Romains opposés aux Gaulois Cisalpins qui assiégeaient la ville, en – 200. [12] Lucius Valerius bat les Boyens en – 195. [13] Quintus Minutius Thermus, né vers – 231, consul en – 197, vainqueur des Boyens en -193.

 

après en Italie, ce qui a fait croire à plusieurs qu’ils s’estoyent retirés en Germanie et y avoyent donné au royaume de Bohème dont ils revindrent du temps de Jules César habitués aux Gaulois. On dit que ces Gaulois Boyens tenoyent le delà du Pô et les Insubriens le deçà. Les Liguriens après la desfaite que Furius[1]  fit d’eux prindrent encor les armes et tuèrent le consul Scipion et furent peu après :: ruinés par Cethegus[2] aussi bien que par les Boyens et Insubriens qui se [rendirent encor] ceste mesme année encor qu’ils ayent peu après donné encor sujet à un triomphe que fit Scipion Nasica[3] d’eux. Après cela Marcellus desfit les Gaulois qui ayant passé les montagnes [estoyent entrés] en Italie et les Liguriens furent desfaits par Paulus Emilius[4]  qu’ils avoyent assiégé dans son camp. Mais la paix qu’il leur donna dura peu si qu’ils prindrent les armes et tuèrent le consul Scipio et donnèrent beaucoup de peine à les  mettre soub le joug romain lequel néantmoins le consul Fulvius[5] leur fit prendre comme eux autres Gaulois d’Italie.

Maintenant l’histoire gauloise commencera d’estre  mieux cognue pour avoir plus de connexion avec la romaine d’autant qu’estans 

/428/ aprochés de leurs fonctions ils pouvoyent se mêler de leurs affaires plus facilement que lors qu’ils en estoyent si esloignés. La première occasion leur en fut donnée par les Marseillois. La [seconde] Rome, la vile desquels estoit dès longtemps aliée de celle de Rome et dès longtemps aussi estoit haye des Gaulois pour l’envie qu’ils portoyent à leur richesse et de ce qu’ils estoyent si bien avec le peuple romain. Lors donc que toutes les guerres insubrienes et ligurienes furent finies les voisins des Marseillois qu’on apelloit Saliens peuples gaulois ou comme d’autres disons de la Ligurie quatriesme ayant quelque chose à demeler avec ceste vile la vindrent assiéger et joignirent à leurs armées le secours des Liguriens Alobroges et Voconces leurs aliés.

Alors Marseille jugeant ne pouvoir divertir cest orage sans estre couverts des lauriers des Romains les prièrent de les venir secourir ce qu’ils firent d’autant meilleur cœur qu’il[s] s’aquitoyent par ce moyen de l’obligation des  anciens services des Marseillois envers eux et qu’aussi ce secours leur donnoit un[e] entrée dans les Gaules qu’ils avoyent si longtemps désirée. Fulvius Flacus[6] fut le chef de ceste entreprise qui desfit d’abord les assiegeans et remarqua si bien la beauté du païs et la facilité de battre les Gaulois dans leurs terres qu’il augmenta par le récit qu’il en fit l’envie que le Sénat en avoit conceu de longtemps. Sextius Calvinus[7] fut envoyé après luy lequel ayant eu un mesme succès contre les Saliens fit comme les bons ménagers qui pour ne perdre pas leur meubles les marquent de leur chiffre, luy aussi marqua la Gaule du signe que les Romains avoyent acoustumé de mettre aux païs qu’ils vouloyent conquérir qui estoit le dressement des colonies. Luy aussi bastit en Provence celle d’Aix qu’il apella de som nom et de celuy de sa situation Aquae Sextiae[8]. Le roy des Saliens


[1] Publius Furius Philus, en – 223. [2] Gaius Cornelius Cethegus, né vers – 203. [3] Cnaeus Cornelius Scipio Nasica (230 – 171 av. J. C.), en – 191. [4] Lucius Aemilius Paullus, en – 181. [5] Marcus Fulvius Flaccus, en – 123. [6] Marcus Fulvius Flaccus. [7] Caius Sextius Calvinus. [8] En – 122.

 

Teutomal [1]qui s’estoit retiré en Auvergne en vint cependant avec une grande armée composée des Auvergnats et Voconces que Domitius Aenobarbus[2] vainquit encor près de la Sorgue en un lieu dit Vindenulium[3]. Après luy Fabius[4] vainquit encor ces mesmes peuples auprès de Valence et print prisonnier Bistuit[5]  roy des Auvergnats ou comme d’autres disons Betulle roy des Allobroges par laquelle grande victoire le roy des Saliens et tous les autres princes ses voisins perdirent leurs souverainetés et les Romains suivant leurs anciennes coutumes ne firent de tant de peuples et de païs qu’une seule province qui contenoit […] depuis une grande partie du Languedoc que [Martius Narbo[6] vinquit peu après et y édifia Narbonne[7] de qui toute ceste province eut le nom], une partie du Daufiné jusques l’Isère et toute la Provence et mesmes la Savoye. Et ceste 

/429/ fut en telle estime parmy ceux qui sans i adjouter aucun apellatif ils la nommoyent la Province de laquelle mesmes ils estoyent aussi jalous que de l’Italie comme prétendant par l[à][8] un moyen de s’assurer de l’Hespagne et de conquérir la Gaule et la Germanie.

Ceste province leur donna bien tost de l’emploi pour la desfendre des Cimbres qui en ce temps ayant quitté leurs contrées septentrionales et aperçu les Gaules […] durant  et furent desfaits près d’Aix par Marius[9] en son quatriesme consulat après néantmoins qu’ils eurent fait périr beaucoup d’armes romaines comme nous avons dit ailleurs. Ce Marius fit le mesme aux Tigurins et Ambrons peuples gaulois qui alloyent chercher en Italie des logemens plus agréables que n’estoyent leurs demeures des Alpes. Leur desfaite fut au 6[e] consulat de Marius  pendant laquelle guerre Servilius Cepio[10] agrandit la province par des conquestes qu’il fit vers les païs des Tectosages et Tolosates en pillant Toulouse. Les despouilles de ceste vile luy furent malheureuses (car il fut desfait des Cimbres peu après) comme estant  le butin des temples de la Grèce qui avoyt aussi porté malheur aux premiers sacrilèges tellement que depuis l’or de Thoulouse est venu en proverbe aussi bien que le cheval de Sejanus[11].

Après quoi les Gaules demeurent entièrement en paix car l’histoire n’y remarque aucune guerre ne faisant mention ce temps là des Gaulois et rien de considérable si ce n’est la conjuration de Catilina en laquelle les ambassadeurs des Allobroges entrèrent au nom de leurs princes. * Mais Catilina ayant esté vaincu le Sénat [punit] par les armes […] la mauvaise volonté de ceste nation et la démonstration qu’ils avoyent faicte d’haïr le joug des Romains.  Toutefois les aprêts que les Alemans et Suisses


[1] Teutomatos, Teutomalios. Vers – 124-123. [2] Cnaeus Domitius Ahenobarbus (vers 165 – vers 104 av. J. C.), général et consul en – 122. [3] Vindalium. – 122. [4] Quintus Fabius Maximus, dit Allobrogicus, vers 164 – avant 100 av. J. C.  [5] Bituitos (ou Betulle) roi d’Auvergne, s’était allié aux Allobroges. – 121. [6] Martius Narbo est un nom fictif. Narbo Martius est le nom antique et latin de la colonie à l’origine du nom de Narbonne. Mots ajoutés en marge. [7] En – 118. [8] « par lun… ». [9] Caius Marius (157 – 86 av. J. C.) – 102. [10] Quintus Servilius Caepio, né vers – 150, consul en – 106. [11] Cneus Sejus, tué parc Marc Antoine. Aulu Gelle L. 3, ch. 9.

faisoyent pour envahir les Gaule furent[1] encore une puissante raison pour faire donner à Jules César le gouvernement des Gaules à quoy le Sénat enjoignit une seconde autant importante que la première qui estoit de s’enrichir des despouilles de ceste province et d’aquérir une réputation singulière de la conqueste d’icelle *[2].

Les contentions des [Aeduices] ou Authunois[3] contre les Auvergnats ayant donné le dernier branle à la perte de la liberté des Gaules, nous prendrons l’affaire de plus loing. C’est chose merveilleuse que lors que les destinées d’un estat aprochent alors les causes de sa ruine viennent des lieux ausquels on pensoit le moins. Ces deux peuples qui devoyent estre plus [intenses] à garder la liberté de leur patrie pour la grande authorité qu’ils y avoyent  furent les premiers […] pour y faire entrer les larmes. Or les Auvergnat

/430/ avant les batailles qu’ils avoyent perdu[es] contre les Romains avoyent la proéminence dans toutes les assemblées et la disposition des affaires qui regardoyent le général des Gaules. Mais les Authunois voyant que les malheurs passés les avoyent affaiblis comme c’est l’ordinaire que les princes trouvent plus tost dans l’adversité des spoliateurs que des consolateurs et des amis leur ostèrent dorénavant ceste authorité et se l’aproprièrent. Les Auvergnats ne pouvant d’eux-mesmes se remettre en ce droit qu’ils avoyent peut-estre usurpé sur quelque autre avec autant d’injustice apellèrent les Germains auquels la mémoire du voyage des Cimbres donnait envie de changer de païs.

Ces Germains doncques conduits par Arioviste leur roy ne demandant pas mieux que de venir piller les Gaules coururent au secours des Auvergnats et pour leur querelle destruire les Aeduins et les Sequanois et firent semblant après ceste desfaite de esfectuer ce pour quoy ils estoyent venus. Mais une nouvelle troupe de Germains les ayants joints ils absujetirent la Gaule sous eux-mesmes, habitèrent au païs des Séquanois et tindrent ainsy et leurs amis et leurs ennemis tributaires pour 14 ans.

Après cela un nouveau malheur cuida mettre les Gaulois en un plus misérable estat. Les Helvétiens à l’imitation des Tigurins cy dessus voulurent changer de demeure. Orgétorix[4] un de leurs principaux hommes leur fit follement mespriser par ses harangues la povreté et l’horreur de leurs montagnes qu’enfin il leur fit résoudre de bruler leurs 4 principaux cantons et mener toutes leurs familles jouir des douceurs de la Gaule. Avant quoy ils avoyent investi cest Orgétorix pour prétendre à la tirannie puis se mirent en chemin par le païs des Séquanois. Toutes ces causes concurrentes à la ruine des Gaules excitèrent à la fin les Authunois les plus  opressés de tous de recourir aux Romains ce que le Sénat escouta d’autant plus volontiers qu’il voyoit bien que par là l’empire des Gaules leur estoit présenté y ayant aparance que les Germains et Helvétiens vaincus les Gaules le seroyent aussi à cause de la discorde des princes d’icelle.

Ainsy ils donnèrent la commission à Jules César d’arrester les Helvétiens et chasser les Helvétiens ce qu’il embrassa avec  grand plaisir puis que par là le chemin d’aquérir de grands honneurs et de grands biens luy estoit ouvert. En effet en moins de rien il desfit les Helvétiens et les renvoya en leur païs. Il


[1] « Ils y envoyèrent pour cet effet le consul Cassius [ Lucius Cassius Longinus] qui fut vaincu par eux, ce qui fut …»,  biffé. [2] *…* :  Passage corrompu, biffures, surcharges en marge avec les mentions : « Alobroges », « Cotugnatus », « la bataille de Salon ». [3] Les Eduens. [4] Chef des Helvètes lorsqu’ils décidèrent de migrer vers la Saintonge en 61 av. J. C.

battit Arioviste[1] et le contraignit de repasser le Rhin, abatit les Belges qui trouvoyent du ressentiment pour la perte de leur liberté, subjugue les Sédunes[2] et Armoriques et Aquitains, passa en Germanie après avoir desfait les Tenctères et Usipettes[3], aborda la Grand Bretagne, i retourna et la vainque, l’année d’après vint à bout de la conjuration d’Ambiorix[4] et de la révolte des Gaules sous Vercingentorix[5] roy d’Auvergne et finalement le soumit, tout en 9 ans d’où il partit pour subjuguer sa propre patrie avec le fer et l’or des Gaulois comme plusieurs historiens disent.


[1] Chef germain (101 -  54 av. J.C. [2] Peuple celte établi en Valais central au Ier siècle  av. J. C. [3] Les Tenctères et Usipètes, peuples germaniques qui furent défaits au confluent de la Meuse et du Rhin en -  55. [4] Chef des Eburons, peuple belge du nord de la Gaule, au Ier siècle av. J. C. [5] Vercingétorix (vers 82 – 46 av. J. C.), chef et roi des Arvernes en – 52. La bataille d’Alésia eut lieu entre les mois de juillet et de septembre – 52.

 

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Des Gaulois en Illirie et Trace (p. 249 – 250)

L’an du monde …[1] les Gaulois voyant leur païs trop peuplé envoyèrent de leurs colonies en Illirie et Trace conduictes par Cambaulès[2] ce qui fut au mesme temps que Brennus[3] entra en Italie[4]. Un siècle après, ces pionniers furent suivis de trois troupes de Gaulois conduictes par Ceretrius, Brennus et Archierus[5] lesquels remplirent tout ce païs la Macédoine et la Grèce de la crainte de leur nom en façon qu’aucun n’osait [s’opposer] à eux. Belgius[6] y mena encor depuis une armée avec laquelle il acreut l’espouvantement que ces premiers y avoyent donné. Il fut toutefois repoussé de la Macédoine mais Brennus conducteur d’une autre armée desfit et tua Ptolémée Ceraunus[7] qui s’en disoit roy. Il fit le mesme à son successeur Sosthène et pilla en ce voyage presque toute la Grèce d’ici. Il se retira avec grand butin après avoir esté battu par les Phocéens en voulant piller le temple d’Apollon en Deslfe[8]. Ils l’avoyent aussi esté un peu auparavant en Macédoine par Antigone[9] qui pour cest action qu’on croyait impossible

/250/ fut fait roy de Macédoine. Brennus mourut au retour de ce voyage et après sa mort une troupe des siens passa en Grèce où ils fondèrent un royaume duquel on cognoit subséquemment trois rois. On dit aussi que ce fut alors que Lucterius enmena un[e] autre troupe en Asie et y establit le royaume de Galatie duquel nous avons parlé. Cependant des Gaulois d’Illirie qui avec deux de Trace qu’on croit avoir depuis pris le nom de Bastarnes[10] tenoyent toutes les provinces en subjection et mesmes leur crédit fut si grand que Conarus roy des Gaulois Traciens commanda les deffenses des princes d’Asie pour Bisance. Son prédécesseur avoit auparavant par un secours oportun empesché que les Siriens n’ostassent Attalus[11] roy de Pergame de son païs. On croit que Clondiqus roy des Gaulois Bastarnes[12] succéda à Conarus. Celuy cy estoit son assurance à Perseus roy de Macédoine[13] auquel les Romains faisoyent la guerre. Il le mesprisa par son avarice et s’en trouva fort mal comme nous avons dit. Depuis luy on parle de Dapiges que Crassus[14] lors qu’il avoit les Gètes et Daces au service d’Antoine[15]. Cest le dernier duquel on fait mention jusques aux Bastarnes qui au soulèvement général des peuples ont aidé aux autres à ruiner l’empire romain.


[1] Blanc laissé en suspens. [2] Vers 310 av. J. C. [3] Brennos. [4] Vers 387 av. J. C. [5] Acichorius. Certains auteurs pensent que Brennus et Acichorius sont la même personne, le premier n’étant qu’un titre et le second le vrai nom. [6] Belgius, Bolgios ou Bolg. [7] Ptolémée Keraunos (281 – 279 av. J. C.). Sosthène est le général de son armée. [8] Delphes. [9] Antigone II Gonatas (277 – 239 av. J. C.). [10] Confédération de peuples celto-germains. [11] Attale Ier roi de Pergame depuis 241 av. J. C. [12] Clondicus. Entre 179 et 168 av. J. C. [13] Persée roi de Macédoine (212 – 166 av. J. C.). [14] Dapiges roi des Gètes. Marcus Licinius Crassus (vers 60  – après 27 av. J. C.), proconsul de Macédoine en 29 av. J. C.  Il obtint le ralliement du roi géto-dace Rholès à Octave. [15] Ligne confuse en raison vraisemblablement d’un bourdon.

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 De la Gaule soubs les Romains (p. 431 – 437)

 

Après que Jules César eut subjugué la Gaule jusques à ce que Auguste l’eut divisée, il s’i passa peu de choses qui tesmoignassent que les Gaulois eussent envie de reprendre leur liberté quoyqu’ils eussent beau jour pendant les guerres civiles[1] et les désordres de l’empire romain. Au contraire ils furent tousjours fidèles à leur vainqueur et le servirent si bien qu’on crut que ces tresves des Gaulois principalement[2] luy avoyent fait vaincre le grand Pompée et la République romaine. Il n’i eut que la seule Marseille en toutes les Gaules qui se piquât du salut de la République romaine et encor croit-on que ce fut Domitien[3] qui face cause qu’elle fût si opiniâtrement pompéienne. César l’assiégea en alant en Hespagne et la print à son retour quoyqu’elle se desfendît extrêmement et que ce siège puisse estre mis dans les plus beaux de quoy on ait parlé.

Après la mort de César les Gaules furent quelque temps sans avoir affection pour aucun parti mais enfin son nom revivant en la personne d’Octavius[4] son nepveu elles se donnèrent à luy, soit pacifiquement ne ressentirent-elles [à] peine le mal que l’Italie souffrit en la conjuration des triumvirs. Munatius Plancus[5] lorsque les guerres civiles l’avoyent envoyé, y bâtit Lion et en fit la plus célèbre colonie de tout l’empire romain. Et de là toutes les Gaules se remplirent de colonies, de ce vient que tant de villes des Gaules se vantent encore d’avoir Rome pour mère. Peu après que les triumvirs eurent vaincu Brutus[6], les Aquitains se révoltèrent lesquels Auguste fit revenir à l’obéissance par les armes de Vipsianus Agri[pp]a[7]. Ceste victoire fit si bien recoignoistre la main d’Auguste par toutes les Gaules qu’ils souffrirent durement la nouvelle division qu’il en fit en quatre provinces. Cela toutefois n’empesche pas que les Gaulois ne fussent prompts à se rebeler à cause de l’avarice d’un certain Licinius[8] qu’Auguste avoit [commis] sur les tributs qui les tirannisa d’une telle façon qu’ils les contraignait de se révolter. Pour cest effet ils apellèrent les Germains pour venir à leur secours lesquels y vindrent avec autant d’espérance et de désir de s’en emparer que du temps d’Arioviste[9]. Mais Mélon[10] leur chef ne fut pas plustost entré en ceste province que Drusus luy venant au rencontre ne le desfit et ne luy fit repasser le Rhin et abandonner les Gaules sous la domination de leurs anciens maistres[11].

/432/ Ceste révolte apuyée sur les forces estrangères fut suivie d’une [courte] gauloise qui fut aussi inutile que l’autre laquelle arriva sous l’empire de Tibère. Julius Florus[12] et Sacrovir[13] armèrent les Authunois et Tréviriens[14] les deux peuples de la Gaule les plus puissans mais leur [escantre][15] ayant esté abandonné de […] furent desfaits sans grand combat et ainsi la Gaule fut apaisée et les autheurs de la sédition punis. Peu après Claude empereur abolit la religion des Druides qui estoit si ancienne qu’elle estoit née avant aucune déité des Romains et si révérée par les Gaulois Bretons et Germains qu’ils possédoyent entièrement les consciences de tous ses peuples. Toutefois ce mesme empereur esfaça l’injure qu’il avoit faitte à ceste nation en leur ostant leurs filosophes par la faveur qu’il leur fit les grands hommes de leur païs dans les rangs des maistres de la République romaine. Car en son temps et par sa volonté tous les Gaulois furent faits capables d’estre sénateurs et d’avoit par[t] aux honneurs de la République ce qui ne fut pas sans contraste puisque par ce moyen on ouvroit une grande puissance aux estrangers de maistriser la République et qu’on les admettoit aux honneurs qui jusques là n’avoyent  esté [destenus] que pour les citoyens naturels. Cest grand faveur n’empescha pas pourtant les Gaules de se révolter contre Néron mais ceste révolte fut plustost une recoignoissance de ce bienfait qu’une ingratitude puisqu’elle fait cause que la gangrene qui consumoit l’empire fut arraché[e]. Julius Vindex[16] gaulois estoit alors gouverneur des Gaules qui le premier de tous les capitaines romains fit soulever les légions et les peuples contre ce monstre. Toutefois il ne peut résoudre les humeurs qu’il avoit esmues d’autant que les légions de Germanie commandées par le plus grand homme qui fut en tout l’empire vainquirent ce Vindex mesmes contre [le consentement] de Virginius[17] leur général. Vindex se tua après ceste desroute mais pourtant quoyque les images et les auspices de Néron eussent esté victorieux [sur l’intant] ce bonheur ne tourna point au bien de Néron car les victorieux et les vaincus se joignirent aux légions hespagnoles qui peu après avoyent donné l’empire à Sulpitius Galba[18] leur général.

Une grande et nouvelle guerre troubla depuis toutes les Gaules et les païs voisins. [Ce furent les divers passages des armées devant les troubles suscités après la mort de Néron ce qui amène l’empire en les factions et désordres qui s’élevèrent en Gaule pour cela puis un certain][19] Macicus Boyen esleva un petit tumulte comme on entend gronder un tonerre avant que la foudre en suite. Cestuy cy se faisant apeller dieu et disant qu’il faisoit des [œuvres] divines ravit tellement les Gaulois en admiration qu’ils en oublièrent leur devoir et par ce moyen remplirent leur païs de beaucoup de confusions. Mais la divinité de ce Macicus eut une

/433/ éternité bien courte[20]. Sa réputation sa croyance et ses miracles esvanouirent en un moment et les esprits gaulois semblèrent s’acoiser pour un peu de temps afin d’estre plus rigoureux à faire un effort plus considérable pour les remettre en liberté. Toutes choses les y convioyent . L’empire ne sçavoit qui cognoistre pour chef. Les empereurs qui disputoyent l’empire sembloyent ne le mériter pas. Les légions estoyent sans discipline, les aliés sans obéissance et les estrangers sans respect. Ainsy toutes et quantes [fois] concurrents furent cause de la révolte des Gaules, de celle des Bataves et de la mutination des légions qui arriveront tout à la fois. Les Bataves et […] commencèrent soubs la conduite de Civilis[21] et [Brevis] Classicus Trevirois[22] et Tutor[23], de Langres[24], suivirent et adjoutèrent à ceste révolte le nom de l’empire des Gaules[25] par lequel ils faisoyent jurer tous ceux de leur parti et pour lequel ils croyent que toutes les nations s’esmouveroyent. Et en effet les Bataves recogneurent ce nouveau empire de Classicus. Les légions romaines prindrent le service d’iceluy estant mal satifaits du changement de leurs empereurs, de la conduite de leurs chef[s] et des pressions de leurs ennemis et toutes les Gaules leurs jurent obéissance. Mais le malheur fut pour ce nouveau empire que Vespasian[26] qui seul méritoit l’empire en demeura le seul possesseur. Et le respect que l’on porta à ses vertus pacifia et calma en un moment toutes les parties de l’estat tellement qu’il eut moyen d’envoyer contre les rebelles son parent Cerealis[27] lequel sans espandre beaucoup de sang esteignit le feu de ceste guerre tellement qu’après sa victoire et le pardon que Vespasian donna à tous, les rebeles légions revindrent à leur devoir. Civilis obéit volontiers et les Gaules reprindrent le mors comme ils l’avoyent auparavant ayant perdu Tutor et Classicus autheur de ceste rébellion.

De longtemps après on n’ouït parler aux Gaules que de paix hormis les courses que faisoyent par fois les Germains quand ils venoyent ravager l’empire romain tellement qu’on ne  parut dire un siècle durant que les Gaulois ayent tesmogné un aucun semblant de rebellion jusques à l’empire de Commodus[28]. Un Maternus[29] mit toute l’Hespaigne et les Gaules en confusion, voleur qu’il estoit il arma tous les voleurs, remplit tous les bois, guetta tous les grands chemins afin de nuire aux légions romaines qui gardoyent alors le dedans de ses provinces. Véritablement ses meschantes actions ne partageoyent rien moins qu’une fin généreuse et ceux qui jugent de la fin par les commencemens ou de l’humeur par les actions eussent été trompés en ce Maternus d’autant que son esprit pensoit à de plus grandes choses lorsqu’il commettoit ces voleries car voyant l’empire gouverné par un homme extrêmement lâche il se résolut de l’aler tuer et se mettre en la place croyant que son courage estoit plus nécessaire à la conservation de l’empire que l’efféminé

/434/ de Commode. Et peut-être un dessein si téméraire eut trouvé une heureuse fin par la laschetté des Romains de ce temps là s’il eût trouvé autant de fidélité à ceux qu’il employoit en ceste action qu’il avoit de générosité en son cœur. Mais il fut descouvert par ses satellites et [puny] en mesmes temps[30]. Cependant la commotion des Gaules ne s’arresta pas par sa mort. Ils vainquirent Claudius Albinus[31] lieutenant de Commodus puis les Gaulois s’arrétèrent tout d’un coup et luy favorisèrent dès qu’ils eurent apris qu’après la mort de Commode[32] les légions des Gaules l’avoyent esleu pour le chef de tout l’empire et le servirent contre Sévère que les légions d’Afrique avoyent esleu lequel [néantmoins] desfit Albinus dans la cinquiesme année de leur empire gagnant contre luy une grande bataille près de Lion[33]. Après laquelle Albinus fut tué par ses propres soldats et ainsy toutes les gaules furent réduittes en un moment sous l’empire de Septime  Sévère[34].

L’empire romain vint après la mort de Sévère en un estat auquel presques sont réduits tous les grands empires quand une puissante main n’en a pas la conduitte. Car la faiblesse de ses conducteurs [remit] la perte de ses frontières à tous les peuples septentrionaux qui en ce temps prenoyent plaisir à remuer mesnage. Les Gaules exposées au[x] courses des Germains et autres peuples en avoyent plus de peur que toutes les autres provinces pour estre comme abandonnées. En sorte que si Maximin[35] empereur après Alexandre[36] d’avance [n’eut] par sa bonne fortune [estrivé[37]] presques tout la nation germanique, dès lors les Gaules eussent esté le butin de ces barbares. Alors aussi un autre mal plus cruel que le précédent afligea les Gaules : ce fut la multitude des rivaus ou faux empereurs qui après la prison de Valerian[38] s’élevèrent contre son fils Galien dès que la Gaule en eut plus aussi que les autres provinces de l’empire. Le premier desquels fut Saloninus[39] fils de Galien lequel estant tué Cassius Posthumius[40] se mit en sa place lequel [nettoya] les Gaules des Germains et la desfendit contre Galien et Auréolus[41]. Il fut tué par Lellianus, celuy-cy le fut par Victorinus et Victoria sa femme collègues de Cassius Posthumus[42]. Quant à Victorinus[43] il fut [meurtry] en une sédition à Collogne après avoir résisté vertueusement à Galien et aux Germains[44]. Victoria demeura seule impératrice des Gaules[45] et s’y comporta en très grande princesse et mourant laissa l’empire à Tetricus[46] gouverneur d’Aquitaine qui l’ayant possédé cinq ans fut contraint de le céder à la victoire qu’Aurélian obtint sur luy à Chalons[47] et pour l’amour de la mutination de ces légions. Or le désordre de ceste multitude de tirans fut si grand qu’il contraignit les peuples et principalement les Acduices ou Authunois de se rebeller contre eux avec une telle opiniâtreté que ces derniers aimèrent

/435/ souffrir que Tetricus les destruisît après un long siège que d’adhérer à son empire. Ceste mesmes humeur reprit aux Gaulois après la paix qu’Aurélian establit en l’empire apellant encore les Germains pour faire la guerre par en semble à Tacite[48] successeur d’Aurélian. Les François desquels c’est icy le plus authentique commencement se joignirent aussi aux Gaulois. Mais Probus[49] à son avènement à l’empire desfit les uns et les autres, donna la paix aux Gaulois et rechassa si heureusement les nations estrangères dans leurs ancien[n]es demeures et pour obliger les Gaulois leur permit de [planter des] vignes bien que l’opinion la plus saine et commune soit qu’il y en avoit aux Gaulois beaucoup avant Probus. Mais comme après un grand tourment la mer ne devient pas incontinent calme quoyque les vents soyent apaissés ainsy cest orage passe. Les Gaules [connurent] du trouble par la révolte de Proculus et Bonose[50] qui glorieux d’avoir chassé les les Alemans qui venoyent fourrager ceste province en prindrent le nom d’empereur en l’absence de Probus lequel retournant promptement contre ces rebelles les vainquit et leur arracha après beaucoup de confusion. L’empire des Gaules, d’Hespagne, de Bretagne, toutes ces guerres, confusions et mangerie[51] furent cause qu’Aelianus et Amandus[52] firent soulever les Rustiques de la Gaule soubslevant des Bagaudes ausquels pourtant Dioclétian[53] l’empereur fit souffrir de plus grands maux que ceux desquels ils se plaignoyent.

Maximian[54] collègue de Dioclétian chassa encor les Alemans de la Gaule et contraignit par famine les Bourguignons et [Cheibonde][55] de se retirer. Mais le flux de ces nations ne se pouvoyent plus arrester ayant pris un tel branle qu’à mesure qu’une teste estoit coupée une autre renaissoit. Un flot n’estoit pas encor passé qu’un plus grand ne se poussât encor plus loin que le précédent. Et les empereurs de ce temps quel soin qu’ils eussent de l’empire et quel partage qu’ils eussent fait entr’eux pour le mieux desfendre si ne peuvent-ils empescher que l’empire ne fut enfin accablé sous les successeurs. Pour ce coup Constantin un des quatre empereurs nettoya encor une fois les Gaules des armées alemandes et peu après aussi celles des François [certains] desquels il exposa aux bestes.

Mais par une fatalité malheureuse alors que Constantius et Constantin son fils[56] et successeur en l’empire des Gaules et du monde eussent fait tant de bien en ceste province en la délivrant des estrangers, il falut néanmoins qu’elle servît encor de théâtre à une guerre civile contre un fidèle Maximian[57] qui vouloit ravir l’empire à Constantin après le lui avoir cédé. Il l’assiégea

/436/ dans Arles et l’ayant pris luy pardonna mais ses soldats le firent mourir craignant qu’il ne remît les Gaules en une nouvelle combustion. Ce grand Constantin estant venu à bout ainsy de tous ses ennemis partagea l’empire, le partagea à ses enfans et fit des Gaules les divisions desquelles nous parlerons cy après. Cest aise toutefois fut bientôt rompue par les désordres qui arrivèrent entre les princes et par la trahison de Maxence[58] Gaulois qui s’esleva contre Constans[59] et Constantin[60], tua le premier mais fut desfait par le second en une bataille à laquelle toutes les forces de l’empire restèrent sans qu’elles se soyent jamais peu relever ce qui fut cause qu’il falut que depuis ce temps l’armée romaine fut composée d’estrangers. Quand à Maxence il fuit aux Gaules ou son désespoir luy fit tuer père, mère, enfans et luy mesmes tellement que la grandeur de sa maison finit avec son espérance.

Julian[61] en ce temps là desfendit les Gaulois des courses des estrangers avec tant de bonheur et de réputation que comme un autre Jules César il en aquit l’empire sur son cousin Constantinus[62] mais sous ses successeurs les Gaules furent encor en un pire estat d’autant que quel soin que les capitaines de l’empire aprestassent à les [renforcer] des courses des estrangers si ne peuvent-ils empescher que les Vandales, les Alains, Slaves, Bourguigons, François, Gots ne s’y [logeassent] dont vindrent de telles combustions en Gaule qu’elle fut longtemps remplie de sang et de flammes et principalement lorsque Crocus[63] roy ou capitaine des Vandales toutes les viles des Gaules et mesmes assiégea l’empereur Maximin [?] dans Arles où pourtant il fut pris et depuis tué par l’armée romaine à quoy se joignit par surcroit de malheurs une guerre civile entre Constans[64] que les légions d’Angleterre avoyent fait contre empereur du temps d’Honorius[65] fils de Théodose[66] qui fut […] dans les Gaules. Ce Contans attaquant heureusement les Vandales fut desfait par Sejus[67] capitaine Goth partisan d’Honorius, lequel l’assiégea dans Valence. Il fut secouru par Geronce[68] avec les légions d’Angleterre et de quelques François. Après quoy Geronce s’estant fait empereur en Hespagne vint encor troubler les Gaules qui alors se trouvent divisées en quatre factions sçavoir [est] en celle d’Honorius qui sembloit estre la légitime, celle de Constantin et de Constance son fils, puis Géronce encore en coupait une partie et les nations germaniques et Scithiques en estoyent les principaux maistres. Lequel mal fut long et [mortel] car quoy que Constantius[69] beau-frère de Honorius eut fait pour relever l’empire qui se ruinoit si ne peut-il empescher qu’enfin les Gaules ne se divisassent entre les François Bourguignons et Goths qui en laissèrent la moindre part aux Romains.

/437/ Nous dirons maintenant un mot de la division de cette grande province avant que les Romains la cogneussent mais n’avons [paru] trouvé que la Gaule qui comprenoit ce grand [cercle] de terre qui est entre les Alpes, les Pirénées, le Rhin et les mers océane et méditerranée fusse apellée de divers noms généraux quoyqu’elle [apartint] à divers princes et républiques mais elle fut puis après apelée Transalpine par les Italiens à la différence de la Cisalpine qui est maintenant la Lombardie. Depuis les Romains apellèrent tout ce qui estoit au nord de Lion la Gaule chevelue et ce qui estoit vers le midy la Gaule Brachyata pour les brayes que le peuple i portoit. César y venant depuis la divisa plus commodément en quatre parties ce peut estre suivant la mesme division que ces peuples avoyent entr’eux qui estoit la Gaule narbonnaise ou Province romaine puis la Belgique, Celtique et Aquitanique. Auguste ne fit quasi que changer un peu de nom apellant la Narbonnaise Viennoise et Narbonnaise tout ensemble et la Celtique la [Lionnoise]. Quand à la Belgique elle garda tousjours son nom. Depuis Constantin le Grand divisant l’empire romain en Oriental et Occidental en fit [deux] provinces et establit aux Gaules un presfet pour commander aux diocèses prochains.

Ce sont icy les noms de subdivisions d’Auguste [...].

La division de Constantin est la suivante […].


[1] De – 49 à – 45, guerre civile entre Jules César et les Optimates conduits par Pompée.

[2] p. qui l.

[3] Lucius Domitius Ahenobarbus (vers 98 – vers 48 av. J. C.). Opposant à César, Domitius, après la capitulation de Marseille, se réfugia en Grèce auprès de Pompée.

[4] Auguste (63 av. J. C. – 14 ap. J. C.), premier empereur romain de 27 av. J. C. à 14 ap. J. C.

[5] Lucius Munatius Plancus (87 av. J. C. -  15 av. J. C.). En tant que gouverneur en Gaule, il fonda la colonie de Lyon en 43 av. J. C.

[6] Decimus Junius Brutus Albinus né vers 85/81 av. J. C., mort assassiné en  43 av. J. C..

[7] Ms : « Agriga ». Marcus Vipsianus Agrippa (vers 63 av. J. C.  - 12 av. J. c.), vers 39ou 38 av. J. C.

[8] Publius Licinius Crassus Dives  (vers 82 av. J. C. – 53 av. J. C.) fils de Marcus Licinius Crassus (vers 115 av. J. C. -  53 av. J. C.) qui écrasa la révolte de Spartacus.

[9] Arioviste chef germain (101 av. J. C. – 54 av. J. C.).

[10] Mélon, chef des Sicambres.

[11] Nero Claudius Drusus Germanicus (38 av. J. C. -  9 av. J. C.), en 12 av. J. C.

[12] Julius Florus (+ 21), prince gaulois chef des Trévires.

[13] Julius Sacrovir (+ 21), chef éduen, chef de la révolte gauloise, accompagné du précédent, vaincus près d’Autun où ils se suicident.

[14] Le peuple des Trévires, peuple celte du groupe belge.

[15]« Escantre » ?, n. m., vraisemblablement pour « escandre » , objet de scandale.

[16] Caius Julius Vindex (+ 68), légat de la Gaule lyonnaise, mena une fronde de quelques mois contre Néron.

[17] Lucius Virginius Rufus (14 ? – 97).

[18] Servius Suipicius Galba (3 av. J. C. – 69 ap. J. C.). Sixième empereur depuis Auguste, le premier de l’année des quatre empereurs (juin 68 – janvier 69).

[19] Ajouté dans la marge.

[20] Macicus Boïen fut battu par les soldats de Vitellius en 70 ap. J. C.

[21] Caius Julius Civilis appelé à tort Claudius Civilis (25 – 70)., chef batave qui provoque en 69 la révolte des Bataves.

[22] Julius Classicus, notable du peuple des Trévires  fit cause commune avec Civilis en 70.

[23] Julius Tutor général trévire rallié à Civilis.

[24] Pour les « Lingons » ?, peuple de l’est de la France, capitale Langres.

[25] Classicus se proclama empereur des Gaules.

[26] Vespasien (9 – 79), fondateur de la dynastie des Flaviens, empereur de 69 à 79.

[27] Cerialis ou Cerealis Petilius (v. 30 – v. 83), sénateur romain et chef de guerre.

[28] Commode (161 – 192), empereur de 180 à 192.

[29] Maternus (+ v. 187), soldat romain, devenu  déserteur puis bandit prit la tête d’une révolte armée, de 185 à 187.

[30] Maternus aurait été dénoncé par ses propres partisans lors d’une tentative d’assassinat de Commode à Rome en mars 187.

[31] Clodius Albinus (147 – 197), usurpateur romain, de janvier 196 à février 197.

[32] Le 31 décembre 192.

[33] Le 19 février 197.

[34] Septime Sévère (146 – 211), empereur de 193 à 211.

[35] Maximin Ier le Thrace (v. 173 – 238), empereur de 235 à 238. Son règne marque le début de la période dite de « l’Anarchie militaire ».

[36] Sévère Alexandre (208 – 235), empereur de 222 à 235), dernier empereur de la dynastie des Sévère.

[37] Estriver : combattre, résister.

[38] Valérien (c. 195 – ap. 260), empereur de 253 à 260, associé à son fils Gallien (v. 218 – 268), empereur de 253 à 268. IL meurt prisonnier des Perses.

[39] Salonin (v. 242 – 260), empereur de ≈258 à 260.

[40] Cassius Postumus, légat gaulois qui se fit proclamer empereur de 260 à 269.

[41] Auréolus, général romain qui usurpa quelques mois le titre impérial en 268.

[42] Lélien, usurpateur romain quelques mois de 268 à 269, sous le règne de Postume. L’Histoire Auguste affirme que Lélien fut tué par Victorin successeur de Postume.

[43] Victorin, officier militaire romain devenu empereur de Gaules de 269 à 271.

[44] A la suite et en interligne : « et Marius fut fait empereur… ». Marcus Aurelius Marius, usurpateur pendant quelques mois dans le nord de la Gaule en 268/269. Lignes difficiles à déchiffrer avec ratures et corrections.

[45] Victorine ou Victoria (Aurelia Victorina Pia Felix Augusta) impératrice romaine dans les Gaules morte en 268. Son existence n’est pas attestée de manière sûre.

[46] Tetricus Ier, empereur des Gaules, probablement de 271 à 274. Abdiquant face à Aurélien, il est le dernier souverain de l’Empire des Gaules.

[47] Aurélien (9 sept 214/215 – sept. 275), empereur romain de 270 à 275. Tetricus capitule devant lui sans résistance à Châlons-en-Champagne en 274. Il réunifie l’empire romain.

[48] Marcus Claudius Tacite (v. 200 – 276), empereur de 275 à 276.

[49] Probus (232 – 282), empereur de 276 à 282.

[50] Proculus (+ 281), usurpateur romain, se proclame empereur contre Probus en 281. Bonosus, usurpateur romain,  se proclame empereur, quelques mois v. 280/281.

[51] Au sens d’ « exactions ».

[52] Pomponius Elien, chef d’une rébellion de Bagaudes (bandes armées), avec l’aide d’Amandus, sous Dioclétien, vers 285.

[53] Dioclétien (244 – 311/312), empereur de 284 à 305. Il met fin à la crise du IIIe siècle.

[54] Maximien Hercule (v. 250 – 310), empereur romain adjoint, de 285 à 310.

[55] Pour « Chalbici » ?, peuple celte du Chablais en Savoie, appartenant à la confédération des Allobroges.

[56] Constance Ier Chlore (v. 250 – 306), empereur de 305 à 306. Constantin Ier (272 – 337), empereur de 310 à 337.

[57] Maximien Hercule tenta en 310 d’usurper le pouvoir et s’installa en Arles. Epargné d’abord, il fut peu après exécuté.

[58] En fait : Magnence (303 – 353), usurpateur romain de 350 à 353. Battu par Constance II à la bataille de Mons Seleucus (La Bâtie-Montsaléon, Hautes-Alpes), il se suicide à Lyon en 353.

[59] Constant (320 ou 323 – 350), fils de Constantin Ier. Auguste de 337 à 350. Assassiné par Magnence en 350.

[60] En fait : Constance II (317 – 361), fils de Constantin Ier, Auguste de 337 à 361.

[61] Julien, dit Julien l’Apostat (331 ou 332 – 363), César en Gaule de 355 à 361, puis empereur de 361 à 363.

[62] Constance II.

[63] Chrocus, roi des Vandales en 407/411 termine son expédition devant Arles où il est capturé.

[64] Constant, fils de Constantin III, usurpateur avec son père de 409 à 411.

[65] Flavius Honorius (384 – 423), co-empereur puis empereur d’Occident de 393 à 423.

[66] Théodose Ier, le Grand (347 – 395), empereur de 379 à 395.

[67] En fait : Sarus (+ 413), aristocrate wisigoth général de l’armée romaine au Ve s., régent de l’empereur d’Occident Honorius (395 – 423).

[68] Gerontius (+ 411), général romain d’origine bretonne, partisan de Constantin III.

[69] Constance III (+ 421), co-empereur d’Occident pendant quelques mois en 421.

 

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