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21 janvier, 2017

Une rare édition du « Traité de l’amour de Dieu » de François de Sales publiée en 1617

Classé dans : Non classé — aulivrebleu @ 14:29

Une rare édition  du Traité de l’amour de Dieu de François de Sales publiée en 1617

Le volume, de format in-12°, en bon état, présente une reliure en vélin à rabats dont les lacets ont disparu. Il porte au dos une pièce de titre très érodée où apparaît en lettres dorées : « … DE SALES / DE L’AMOUR DE DIEU ».

Cet exemplaire, vraisemblablement unique, a la caractéristique de présenter à la suite deux pages de titres différentes. La première est la suivante :

TT1

Traicté de l’amour de Dieu. Par François de Sales… – A Douay : de l’imprimerie de Marc Wyon, 1617. – 12°.

Cette page – qui ne comporte pas de vignette – est endommagée en son milieu par la découpe rectangulaire d’un ancien ex-libris manuscrit, page depuis soigneusement réparée par un papillon collé au dos. Le « format » de cette découpe ne correspond pas à l’emplacement d’une éventuelle vignette autrefois présente. Quelques lettres ont néanmoins échappé au vandalisme et l’on peut encore lire « … [G]ournay  ( ?) ». Une seconde mention au-dessous : « Ex-dono… Maton / C. J. Duray…  (?) 1823 ». Un vicaire à Chappelle-à-Wattines,  C. J. Duray, apparaît dans l’Almanach du clergé catholique romain des Pays bas , Bruxelles, 1828.

La seconde est :

TT2

Traicté de l’amour de Dieu. Par François de Sales… – A Lille : chez Pierre de Rache, 1617.

La vignette gravée sur cuivre est présente. Elle reproduit, mais inversée, la belle vignette originale de Pierre Rigaud, l’éditeur lyonnais de François de Sales, éditeur de la première édition du Traité en 1616 (achevé d’imprimer : 31 juillet 1616). Elle représente un sacré cœur et, disposé dessus, une figure de l’enfant Jésus tenant sur ses genoux, de la main gauche, un globe et une croix, tandis qu’il pose son visage méditatif sur la paume de sa main droite ; une couronne d’épine est placée au-dessus de sa tête sur un fond de soleil éclatant. Deux palmes déployées en ovale entourent le sujet.

Le privilège placé à la fin des pièces liminaires est accordé pour six ans à Pierre de Rache, l’éditeur lillois, « le dernier d’octobre 1616 ». Ensuite « Pierre de Rache a accordé part & portion  du susdict privilège à Marc Wyon imprimeur & libraire en la ville de Douay, pour pareil droict que luy, pour l’impression dudict livre, par accord faict par ensemble le 13 de janvier 1617 ». Le volume a 1083 pages numérotées suivies de la table ; à la fin de celle-ci est donnée la mention : « A Douay, de l’imprimerie de Marc Wyon, 1617 ».

Cette édition rare et de fait précieuse n’a pu être étudiée par Dom Mackey OSB, l’éditeur du Traité dans les Œuvres complètes des Visitandines d’Annecy (27 volumes, 1892-1964) ; il n’en a eu connaissance que par une réimpression de 1625 car il note dans sa préface : « Le Traitté (sic) semble avoir été publié à Douai immédiatement après son apparition, car dans une réimpression faite par Marc Wyon en 1625, on lit une intéressante Approbation du célèbre François Sylvius, datée du 7 septembre 1616 ». En fait, sur notre exemplaire, nous lisons bien, à la fin de l’Approbation, qui précède le privilège, « 7 décembre » (au lieu de « 7 septembre »). L’erreur de transcription est due soit à l’édition de 1625, soit à une confusion au moment de la rédaction de la préface de Dom Mackey. 

Cette nouvelle édition du Traité partagée entre les deux libraires mais imprimée par Marc Wyon à Douai a donc été produite six mois seulement après la première édition lyonnaise dont l’achevé d’imprimer est du 31 juillet 1616. Elle est peut-être même antérieure au tirage de 1617 donné à Lyon par Pierre Rigaud.  La ville de Douai est ainsi la seconde ville française à avoir publié le TraitéIl serait intéressant du point de vue de l’histoire du livre en général et de l’histoire du Traité en particulier, de savoir par quels canaux, comment, et dans quelles conditions un privilège d’imprimer fut donné à Pierre de Rache à Lille, mis en oeuvre ensuite par Marc Wyon de Douai. Quoi qu’il en soit, les exemplaires de cette édition partagée demeurent très rares puisqu’il semble que l’on n’en connaisse, à ce jour, sauf erreur ou omission, que trois exemplaires seulement en bibliothèque, quatre avec le nôtre.

Un exemplaire est conservé à la BM de Lille (cote 20008) ; il est donné par Pierre de Rache, avec la même vignette et l’achevé d’imprimer identique à celui cité supra.

Deux autres exemplaires, donnés par Marc Wyon, appartiennent, l’un à l’Université des Jésuites de Paris (Centre de Sèvres, cote [A 337/310]), l’autre à la Province hollandaise des Oblats de Saint François de Sales. Ces deux exemplaires possèdent bien la vignette au titre.

Quant au nôtre, il se distingue par ses deux pages de titres dont la première, celle de Marc Wyon, ne possède pas la vignette.

Comment expliquer cette curiosité bibliographique ? Le stock d’exemplaires de Marc Wyon ayant peut-être été épuisé avant que Pierre de Rache n’ait vendu tous les siens, peut-être a-t-il,  avec l’accord de son associé, puisé dans celui de Pierre de Rache en ajoutant  aux volumes  une page de titre à son nom sans avoir besoin de reproduire la vignette déjà visible sur la page de titre de Pierre de Rache.

***

Il nous faut maintenant décrire le cachet de bibliothèque apposé au verso de la seconde page de titre. Il s’agit d’un tampon encré ovale de 4 cm de long sur 2 de large environ dont l’encre pâlie tirant sur le violet ne facilite pas la lecture. Au-dessous figure, écrit à la main, à l’encre bleue, le nombre « 31540 ». Vraisemblablement cote ou numéro d’inventaire, ce numéro dénote néanmoins l’importance de la bibliothèque.

Ce tampon paraît être du XIXe ou du début du XXe siècle. Il faut observer d’abord qu’il est apposé d’une manière intelligente au verso du feuillet non imprimé, respectant par là la vignette de l’éditeur ou le titre au recto, ce qui n’est pas toujours le cas, hélas, sur nombre de livres. Malgré l’encre pâlie qui gène particulièrement la lecture de la seconde ligne en petits caractères, on peut néanmoins lire la marque d’appartenance :

« BIBLIOTHECA / Congr.  SS. Redemp. / PULCHRIJUGI ».

Sur d’autres livres anciens du XVIIe ou du XVIIIe siècle repérés sur des catalogues de vente, on trouve parfois aussi « Bibliotheca Congreg. SS. Redempt. ad S. Joannem Pulchri Jugi » ; il en est ainsi sur le volume suivant conservé à la Thomas Fisher Rare Book Library (Université de Toronto) [Opera selecta Sancti Hilarii Pictavorum Episcopi. vol. 2]. – S.l., s. n., [17-- ?].

 Pulchrijugi, en latin, pourrait signifier « Beaujeu ». Il existe en effet plusieurs localités en France portant le nom de « Beaujeu ». Mais le toponyme originel est Bellojoco de Bellum jugum, mot composé de bellum, beau, synonyme ayant supplanté pulcher en bas latin, et de jugum, mont, sommet, confondu ensuite avec jocum, jeu, ce qui donne à l’arrivée « Beaujeu » (Toponymie générale de la France, Vol. I, Droz, 1990). Pulchrijugi pourrait donc être une variante de « Beaujeu » revenant au latin classique (?).

A moins qu’il ne faille revenir à « Beaumont » ou à un « Saint Jean de Beaumont ». Il existe une paroisse Saint Jean de Beaumont à Tours, mais sans liens, apparemment avec des Rédemptoristes… Peut-être des bibliophiles ou des chercheurs pourront-ils nous apporter leur aide et résoudre la difficulté de cette provenance.

 

***

Marie de Gournay et François de Sales :

un ex-libris de Marie de Gournay sur une édition du Traité de l’amour de Dieu

imprimée à Douai en 1617 ?

 

Nous avons relevé les mentions de plusieurs noms sur la page de titre de l’édition donnée par Marc Wyon, en particulier celui de « [G]ournay » ( ?) dont le « G » ( ?) est hélas en partie mutilé par une découpe volontaire. Au moment de la rédaction de la description de l’édition qui était le sujet principal de notre attention, nous étions resté seulement perplexe devant ce nom devenu célèbre auprès de Montaigne. Nous ne faisions pas plusieurs « rapprochements » que nous nous risquons aujourd’hui à examiner. Ces rapprochements sont de deux ordres, à la fois intellectuel et matériel.

En effet, Mario Schiff, dans son étude sur La fille d’alliance de Montaigne (Champion, 1910), nous dit : « Elle admirait François de Sales, méditant ses œuvres et lui écrivant ». Mme Viviane Mellinghoff-Bourgerie nous apprend que La Mothe Le Vayer « [a pris] connaissance du Traité de l’amour de Dieu dans la bibliothèque de Marie de Gournay » (Conférence de Thonon, Académie chablaisienne, 22-23 octobre 2010). Le château de Gournay sur Aronde n’est situé qu’à 122 kms de Douai, à 139 kms de Lille.

L’édition imprimée à Douai par Marc Wyon et mise en vente par lui-même et par Pierre de Rache à Lille semble réellement devancer la seconde édition de 1617 de l’éditeur original Pierre Rigaud à Lyon (date de l’édition originale du Traité : 1616). Don Mackay lui-même, éditeur des Œuvres  complètes de François de Sales (Visitandines d’Annecy, 1892-1964) s’interroge sur ce point qui n’est pas facile à élucider comme nous l’avons relevé lors de notre première étude. Se pourrait-il que Marie de Gournay – si c’est bien elle – ait pu faciliter, d’une façon ou d’une autre, en raison des rapports privilégiés qu’elle avait avec François de Sales, une telle opération ? L’intérêt de Marie de Gournay pour l’auteur, la proximité matérielle des lieux et la date de cette seconde édition sont des « faits » qu’on ne peut pas ne pas au moins relever.

La deuxième « explication » que nous pouvons imaginer est que le hasard a fait que Marie de Gournay a tout simplement pu acheter cette édition immédiatement et matériellement disponible pour elle au moment où elle a eu connaissance de cette parution.

La page de garde à la fin du volume est recouverte aux deux tiers d’une annotation du XVIIe siècle sous forme de question/réponse : « Question : l’amour des saints dans le ciel est-il plus grand, plus pur, plus parfait que [celui] des justes sur la terre ?… », faisant référence au chapitre VII du livre III.

*

Nous avons bien conscience que nos hypothèses reposent sur la base très fragile de la mention « [G]ournay » et que nos rapprochements ont fait le reste. Quoi qu’il en soit, il nous a néanmoins paru intéressant de relever ces faits en espérant que des chercheurs connaissant bien la vie, l’environnement et l’œuvre de Marie de Gournay puissent éventuellement apporter (ou non) un autre éclairage sur ces points.

 

 A. Collet

 

 

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