Le sublime selon Rilke et Marie Laurencin, 1946.
Le sublime selon R. M. Rilke.
Poésies françaises de Rainer Maria Rilke, avec des vignettes de Jacques Ernotte
Emile-Paul Frères, 1946.
*
Le sublime est un départ.
Quelque chose de nous qui au lieu
de nous suivre, prend son écart
et s’habitue aux cieux.
La rencontre extrême de l’art
n’est-ce point l’adieu le plus doux ?
Et la musique : ce dernier regard
que nous jetons nous-mêmes vers nous ?
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Marie Laurencin . Jeune fille à la guitare (1946).
Bien que subtile, la composition de cette eau-forte est peut-être moins énigmatique qu’il n’y paraît. A l’image de l’ange musicien est associée celle d’un « Bouddha féminin » prenant la terre à témoin de son Illumination. Mais la musicienne ne désigne-t-elle pas, en même temps, de la main gauche, la rosace de la guitare déposée précisément entre ses jambes ? Dans une posture inhabituelle, c’est tout le mythe de la « rose », présente ou cachée, réelle, symbolique ou mystique qu’elle fait affleurer devant nous.
Rencontre extrême de l’art où l’invention alliée à la beauté des lignes et à la délicatesse de l’expression renvoie « l’Esprit du mal » à sa propre confusion. L’homme et la femme ont bien pour seul instrument leur corps – matière et médium – où amour et spiritualité ouvrent chacun à leur façon les portes de l’être et de son espace intérieur avant de basculer, avec l’Eveil, sur l’autre versant.